1. Le hareng saur
Charles Cros, 1872
Il était un grand mur blanc – nu, nu, nu,
Contre le mur une échelle – haute, haute, haute,
Et, par terre, un hareng saur – sec, sec, sec.
Il vient, tenant dans ses mains – sales, sales, sales,
Un marteau lourd, un grand clou – pointu, pointu,
pointu,
Un peloton de ficelle – gros, gros, gros.
Alors il monte à l’échelle – haute, haute, haute,
Et plante le clou pointu – toc, toc, toc,
Tout en haut du grand mur blanc – nu, nu, nu.
Il laisse aller le marteau – qui tombe, qui tombe, qui
tombe,
Attache au clou la ficelle – longue, longue, longue,
Et, au bout, le hareng saur – sec, sec, sec.
Il redescend de l’échelle – haute, haute, haute,
L’emporte avec le marteau – lourd, lourd, lourd,
Et puis, il s’en va ailleurs – loin, loin, loin.
Et, depuis, le hareng saur – sec, sec, sec,
Au bout de cette ficelle – longue, longue, longue,
Très lentement se balance – toujours, toujours,
toujours.
J’ai composé cette histoire – simple, simple, simple,
Pour mettre en fureur les gens – graves, graves,
graves,
Et amuser les enfants – petits, petits, petits.
2. Le dromadaire
Guillaume Apollinaire, 1911
Avec ses quatre dromadaires
Don Pedro d’Alfaroubeira
Courut le monde et l’admira.
Il fit ce que je voudrais faire
Si j’avais quatre dromadaires.
3. Le paon
Guillaume Apollinaire, 1911
En faisant la roue, cet oiseau,
Dont le pennage traîne à terre,
Apparaît encore plus beau,
Mais se découvre le derrière.
4. Le Chat
Guillaume Apollinaire, 1911
Je souhaite dans ma maison :
Une femme ayant sa raison,
Un chat passant parmi les livres,
Des amis en toute saison
Sans lesquels je ne peux pas vivre.
5. La Chèvre du Thibet
Guillaume Apollinaire, 1911
Les poils de cette chèvre et même
Ceux d’or pour qui prit tant de peine
Jason, ne valent rien au prix
Des cheveux dont je suis épris.
6. La sauterelle
Guillaume Apollinaire, 1911
Voici la fine sauterelle,
La nourriture de saint Jean.
Puissent mes vers être comme elle,
Le régal des meilleures gens.
7. Le dauphin
Guillaume Apollinaire, 1911
Dauphins, vous jouez dans la mer,
Mais le flot est toujours amer.
Parfois, ma joie éclate-t-elle ?
La vie est encore cruelle.
8. L’écrevisse
Guillaume Apollinaire, 1911
Incertitude, ô mes délices
Vous et moi nous nous en allons
Comme s’en vont les écrevisses,
À reculons, à reculons.
9. La carpe
Guillaume Apollinaire, 1911
Dans vos viviers, dans vos étangs,
Carpes, que vous vivez longtemps !
Est-ce que la mort vous oublie,
Poissons de la mélancolie.
10. L’escargot
Claude-Henri Rocquet, 2008
Trop tard se dit l’escargot
Et son coeur est plein de peine
Il crut pourtant perdre haleine glissant par monts et
par vaux
à l’appel de la lointaine étoile sur le hameau
Ô coeurs lents à croire escargots dans la nuit noire
11. Le Hibou
Claude-Henri Rocquet, 2008
Sur son sec rameau de houx se renfrogne le hibou
Mais avoue dit la chouette
Avoue que cette lumière vraiment n’est pas
ordinaire.
12. The Lamb
William Blake, 1789
Little Lamb who made thee
Dost thou know who made thee
Gave thee life & bid thee feed.
By the stream & o’er the mead;
Gave thee clothing of delight,
Softest clothing wooly bright;
Gave thee such a tender voice,
Making all the vales rejoice!
Little Lamb who made thee
Dost thou know who made thee
Little Lamb I’ll tell thee,
Little Lamb I’ll tell thee!
He is called by thy name,
For he calls himself a Lamb:
He is meek & he is mild,
He became a little child:
I a child & thou a lamb,
We are called by his name.
Little Lamb God bless thee.
Little Lamb God bless thee.
13. La pêche à la baleine
Jacques Prévert, 1935
À la pêche à la baleine, à la pêche à la baleine,
Disait le père d’une voix courroucée
À son fils Prosper, sous l’armoire allongé,
À la pêche à la baleine, à la pêche à la baleine,
Tu ne veux pas aller,
Et pourquoi donc ?
Et pourquoi donc que j’irais pêcher une bête
Qui ne m’a rien fait, papa,
Va la pêpé, va la pêcher toi-même,
Puisque ça te plaît,
J’aime mieux rester à la maison avec ma pauvre mère
Et le cousin Gaston.
Alors dans sa baleinière le père tout seul s’en est allé
Sur la mer démontée …
Voilà le père sur la mer,
Voilà le fils à la maison,
Voilà la baleine en colère,
Et voilà le cousin Gaston qui renverse la soupière,
La soupière au bouillon.
La mer était mauvaise,
La soupe était bonne.
Et voilà sur sa chaise Prosper qui se désole :
À la pêche à la baleine, je ne suis pas allé,
Et pourquoi donc que j’y ai pas été ?
Peut-être qu’on l’aurait attrapée,
Alors j’aurais pu en manger.
Mais voilà la porte qui s’ouvre, et ruisselant d’eau
Le père apparaît hors d’haleine,
Tenant la baleine sur son dos.
Il jette l’animal sur la table, une belle baleine aux
yeux bleus,
Une bête comme on en voit peu,
Et dit d’une voix lamentable :
Dépêchez-vous de la dépecer,
J’ai faim, j’ai soif, je veux manger.
Mais voilà Prosper qui se lève,
Regardant son père dans le blanc des yeux,
Dans le blanc des yeux bleus de son père,
Bleus comme ceux de la baleine aux yeux bleus :
Et pourquoi donc je dépècerais une pauvre bête qui
m’a rien fait ?
Tant pis, j’abandonne ma part.
Puis il jette le couteau par terre,
Mais la baleine s’en empare, et se précipitant sur le
père
Elle le transperce de père en part.
Ah, ah, dit le cousin Gaston,
On me rappelle la chasse, la chasse aux papillons.
Et voilà
Voilà Prosper qui prépare les faire-part,
La mère qui prend le deuil de son pauvre mari
Et la baleine, la larme à l’oeil contemplant le foyer
détruit.
Soudain elle s’écrie :
Et pourquoi donc j’ai tué ce pauvre imbécile,
Maintenant les autres vont me pourchasser en
moto-godille
Et puis ils vont exterminer toute ma petite famille.
Alors éclatant d’un rire inquiétant,
Elle se dirige vers la porte et dit
À la veuve en passant :
Madame, si quelqu’un vient me demander,
Soyez aimable et répondez :
La baleine est sortie,
Asseyez-vous,
Attendez là,
Dans une quinzaine d’années, sans doute elle reviendra …
14. La baleine
Robert Desnos, 1944
Plaignez, plaignez la baleine
Qui nage sans perdre haleine
Et qui nourrit ses petits
De lait froid sans garantie.
Oui mais, petit appétit,
La baleine fait son nid
Dans le fond des océans
Pour ses nourrissons géants.
Au milieu des coquillages,
Elle dort sous les sillages
Des bateaux, des paquebots
Qui naviguent sur les flots.
15. Le crapaud
Robert Desnos, 1944
Sur les bords de la Marne
Un crapaud il y a
Qui pleure à chaudes larmes
Sous un acacia.
— Dis-moi pourquoi tu pleures
Mon joli crapaud ?
— C’est que j’ai le malheur
De n’être pas beau.
Sur les bords de la Seine
Un crapaud il y a
Qui chante à perdre haleine
Dans son charabia.
— Dis-moi pourquoi tu chantes
Mon vilain crapaud ?
— Je chante à voix plaisante,
Car je suis très beau,
Des bords de la Marne aux bords de la Seine
Avec les sirènes.
16. Le lama
Robert Desnos, 1944
Lama, fils de lama
Et père de lama,
Cousin de l’alpaca,
Frère de la vigogne,
Frère du guanaco
A pour toute besogne
D’écouter les échos
Et fuir le loup-garou
Qui vit sous son climat :
Il habite au Pérou
Capitale Lima.
17. Le chat qui ne ressemble à rien
Robert Desnos, 1975 – publication posthume
Le chat qui ne ressemble à rien
Aujourd’hui ne va pas très bien.
Il va visiter le Docteur
Qui lui ausculte le coeur.
Votre coeur ne va pas bien
Il ne ressemble à rien,
Il n’a pas son pareil
De Paris à Créteil.
Il va visiter sa demoiselle
Qui lui regarde la cervelle.
Votre cervelle ne va pas bien
Elle ne ressemble à rien,
Elle n’a pas son contraire
À la surface de la terre.
Voilà pourquoi le chat qui ne ressemble à rien
Est triste aujourd’hui et ne va pas bien.
18. L’oiseau du Colorado
Robert Desnos, 1975 – publication posthume
L’oiseau du Colorado
Mange du miel et des gâteaux
Du chocolat et des mandarines
Des dragées des nougatines
Des framboises des roudoudous
De la glace et du caramel mou.
L’oiseau du Colorado
Boit du champagne et du sirop
Suc de fraise et lait d’autruche
Jus d’ananas glacé en cruche
Sang de pêche et navet
Whisky menthe et café.
L’oiseau du Colorado
Dans un grand lit fait un petit dodo
Puis il s’envole dans les nuages
Pour regarder les images
Et jouer un bon moment
Avec la pluie et le beau temps.
19. Le poisson sans souci
Robert Desnos, 1975 – publication posthume
Le poisson sans-souci
Vous dit bonjour vous dit bonsoir
Ah ! qu’il est doux qu’il est poli
Le poisson sans-souci.
Il ne craint pas le mois d’avril
Et tant pis pour le pêcheur
Adieu l’appât adieu le fil
Et le poisson cuit dans le beurre.
Quand il prend son apéritif
à Conflans Suresnes ou Charenton
Les remorqueurs brûlant le charbon de Cardiff
Ne dérangeraient pas ce buveur de bon ton.
Car il a voyagé dans des tuyaux de plomb
Avant de s’endormir sur des pierres d’évier
Où l’eau des robinets chante pour le bercer
Car il a voyagé aussi dans des flacons
Que les courants portaient vers des rives désertes
Avec l’adieu naufragé à ses amis.
Le poisson sans-souci
Qui dit bonjour qui dit bonsoir
Ah ! qu’il est doux et poli
Le poisson sans-souci
Le souci sans souci
Le Poissy sans Soissons
Le saucisson sans poids
Le poisson sans-souci.
20. L’araignée à moustache
Robert Desnos, 1975 – publication posthume
L’araignée à moustaches
n’est pas Napoléon III
qui s’ennuie quand il a froid.
L’araignée à moustaches
n’a pas de robe en satin
pour trottiner le matin.
L’araignée à moustaches
Ne se rasera jamais
Elle règne au mois de Mai
Mai ?
Ah mais…
Mais oui !
Mai !
L’araignée à moustaches
habite dans un château
son ami est un corbeau
Mais
L’araignée à moustaches
S’éclaire avec une étoile
Le soleil lui sert de poêle
Mais
L’araignée à moustaches
Porte de belles lunettes
Et joue de la clarinette
Du tambour de la trompette
Et chante d’une voix nette
Fait le jour maintes pirouettes
Toute la nuit fait la fête
Et charme les grosses bêtes
Ah mais!
21. There was an old man in a tree
Edward Lear, 1929
There was an Old Man in a tree,
Who was horribly bored by a bee;
When they said, « Does it buzz? »
He replied, « Yes, it does!
It’s a regular brute of a bee! »
22. Les oiseaux
Clément Janequin, 1528
Réveillez vous, coeurs endormis
Le dieu d’amour vous sonne.
A ce premier jour de may,
Oyseaulx feront merveillez,
Pour vous mettre hors d’esmay
Destoupez vos oreilles.
Et farirariron (etc…)
Vous serez tous en ioye mis,
Car la saison est bonne.
Vous orrez, à mon advis,
Une douce musique
Que fera le roy mauvis (le merle aussi)
D’une voix autentique.
Ty, ty, pyty. (etc…)
Rire et gaudir c’est mon devis,
Chacun s’y abandonne.
Rossignol du boys ioly,
A qui le voix resonne,
Pour vous mettre hors d’ennuy
Vostre gorge iargonne:
Frian, frian, frian (etc…)
Fuiez, regrez, pleurs et souci,
Car la saison l’ordonne.
Arriere maistre coucou,
Sortez de nos chapitres.
Chacun vous donne au bibou,
Car vous n’estes q’un traistre.
Coucou, coucou (etc…)
Par trahison en chacun nid,
Pondez sans qu’on vous sonne.
Réveillez vous, coeurs endormis,
Le dieu d’amours vous sonne.
23. Une puce j’ai
Claude Le Jeune, 1583
Une puce j’ai dedans l’oreille, hélas
Qui de nuit et de jour me frétille et me mord
Et me fait devenir fou.
refrain
Nul remède n’y puis donner, je cours de là,
Retire-la moi je t’en prie.
O toute belle, secoure-moi.
Quand mes yeux je pense livrer au sommeil
Elle vient me piquer, me démange et me poind,
et me garde de dormir.
refrain
D’une vielle charmeresse aidé je suis
Qui guérit tout le monde, et de tout guérissant
ne m’a su me guérir moi.
refrain
Bien je sais que seule peut guérir ce mal
Je te prie de me voir de bon oeil
et vouloir m’amollir ta cruauté.
refrain
24. Le Corbeau et le renard
Jean de la Fontaine, 1668
Maître Corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage.
Maître Renard, par l’odeur alléché,
Lui tint à peu près ce langage :
« Hé ! bonjour, Monsieur du Corbeau.
Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
Sans mentir, si votre ramage
Se rapporte à votre plumage,
Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois. »
A ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie ;
Et pour montrer sa belle voix,
Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.
Le Renard s’en saisit, et dit : « Mon bon Monsieur,
Apprenez que tout flatteur
Vit aux dépens de celui qui l’écoute :
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute. »
Le Corbeau, honteux et confus,
Jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus.
25. La Cigale et la Fourmi
Jean de la Fontaine, 1668
La Cigale, ayant chanté
Tout l’été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue :
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la Fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu’à la saison nouvelle.
« Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l’Oût, foi d’animal,
Intérêt et principal. »
La Fourmi n’est pas prêteuse :
C’est là son moindre défaut.
Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
– Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
– Vous chantiez ? j’en suis fort aise.
Eh bien! dansez maintenant.
26. La souris d’Angleterre
Michel Veber (dit Nino) 1896-1965
C’était une souris qui venait d’Angleterre,
Yes, Madame, yes, my dear,
Ell’ s’était embarquée au port de Manchester
Sans même savoir où s’en allait le navire.
No, Madam’, no, my dear.
Elle avait la dent long’ comme une vieille Anglaise,
S’enroulait dans un plaid à la mode écossaise
Et portait une coiffe en dentelle irlandaise.
Dans le port de Calais, elle mit pied à terre,
Yes, Madame, yes, my dear,
Elle s’en fut bien vite à l’hôtel d’Angleterre,
Et grimpe l’escalier tout droit sans rien leur dire,
No, Madam’, no, my dear,
Le grenier de l’hôtel lui fut un vrai palace,
La souris britannique avait là tout sur place,
Du whisky, du bacon, du gin, de la mélasse.
Chaque soir notre miss faisait la ribouldingue,
Yes, Madame, yes, my dear,
C’était toute la nuit des gigues des bastringues,
Les bourgeois de Calais ne pouvaient plus dormir,
No, Madam’, no, my dear,
En vain l’on remplaçait l’appât des souricières,
Le Suiss’ par le Holland’, le Bri’ par le Gruyère,
Rien n’y fit, lorsqu’un soir on y mit du Chester.
C’était une souris qui venait d’Angleterre,
Yes, Madame, yes, my dear.
27. Rat de ville, rat des champs
Jean de la Fontaine, 1668
Autrefois le Rat de ville
Invita le Rat des champs,
D’une façon fort civile,
A des reliefs d’Ortolans.
Sur un Tapis de Turquie
Le couvert se trouva mis.
Je laisse à penser la vie
Que firent ces deux amis.
Le régal fut fort honnête,
Rien ne manquait au festin ;
Mais quelqu’un troubla la fête
Pendant qu’ils étaient en train.
A la porte de la salle
Ils entendirent du bruit :
Le Rat de ville détale ;
Son camarade le suit.
Le bruit cesse, on se retire :
Rats en campagne aussitôt ;
Et le citadin de dire :
Achevons tout notre rôt.
– C’est assez, dit le rustique ;
Demain vous viendrez chez moi :
Ce n’est pas que je me pique
De tous vos festins de Roi ;
Mais rien ne vient m’interrompre :
Je mange tout à loisir.
Adieu donc ; fi du plaisir
Que la crainte peut corrompre.
28. Blackbird
John Lennon et Paul McCartney, 1968
Blackbird singing in the dead of night
Take these broken wings and learn to fly
All your life
You were only waiting for this moment to arise
Blackbird singing in the dead of night
Take these sunken eyes and learn to see
All your life
You were only waiting for this moment to be free
Blackbird, fly
Blackbird, fly
Into the light of the dark black night
Blackbird, fly
Blackbird, fly
Into the light of the dark black night
Blackbird singing in the dead of night
Take these broken wings and learn to fly
All your life
You were only waiting for this moment to arise
You were only waiting for this moment to arise
You were only waiting for this moment to arise
.